Du bonheur de choisir le droit...

Publié le par Spark

La filière droit rejette plus de la moitié des étudiants en première année
LE MONDE | 13.12.07 | 10h38  •  Mis à jour le 13.12.07 | 10h38

vec le recul, Valentin Riglet-Brucy les appelle en plaisantant "mes deux années sabbatiques… après le bac". Mais sur le coup, elles ont eu le goût amer de l'échec. Comme les 33 000 jeunes bacheliers qui se pressent chaque année en première année de droit, Valentin pensait qu'il avait sa chance. Bon élève, titulaire d'un bac S, il voyait dans la chose juridique une discipline intéressante et aux débouchés professionnels variés.

Dès le premier contact avec la fac, il a déchanté. "Nous étions près de 1000, répartis en trois groupes, à assister à des cours plus magistraux que magistraux", se rappelle l'ancien étudiant de Paris-II (Panthéon-Assas). L'anonymat, le manque de communication avec les enseignants, l'attitude des étudiants "qui refusent de prêter leurs cours" l'ont dégoûté. "En gros, c'est démerde-toi et chacun pour soi", déplore le jeune homme, qui s'est orienté vers un BTS audiovisuel en alternance, après s'être acharné pendant deux ans.

"Motivation négative" Des débuts difficiles, Laetitia Mattei en a elle aussi connu. Après avoir redoublé sa première année, elle est aujourd'hui en deuxième année de licence de droit. Bachelière à 17 ans, elle s'est sentie "lâchée sans filet" dans un univers dont elle ne maîtrisait pas les codes. Malgré ses efforts, les notes ne suivaient pas. Il lui a fallu un an d'acclimatation avant de trouver son rythme. "La première année de droit, c'est du par cœur assez rebutant, après on commence à comprendre ce qu'il y a derrière. Le problème c'est que personne ne nous prévient de ce qui nous attend." Beaucoup d'étudiants ne s'accrochent pas aussi longtemps. Plus de la moitié des inscrits en droit jettent l'éponge avant la fin de la première année et ne se présentent même pas aux examens. "Le bachelier, sauf exception familiale, n'a aucune vue générale sur le droit, matière qu'il n'a jamais abordée au cours de sa scolarité", explique Didier Truchet, professeur de droit public à Paris-II et auteur d'un rapport sur l'enseignement juridique.

En outre, poursuit M. Truchet "les jeunes ont en tête la représentation faussée des professions judiciaires donnée par de nombreuses séries télévisées. Or la réalité est souvent moins glamour". Le taux d'échec important s'explique aussi par ce que M.Truchet appelle "la motivation négative" : "Un certain nombre d'étudiants se disent : Je ne vais pas aller en lettres car il n'y a pas de débouchés, les mathématiques ne m'intéressent pas alors pourquoi pas le droit? " Les universités ont leur part de responsabilité, même si elles proposent de plus en plus de modules d'information ou de réorientation à leurs étudiants. Ainsi à Aix-Marseille-III, la filière développe depuis plusieurs années un accompagnement pour l'étudiant en difficulté afin de réduire l'échec "sec".

Mais comme en convient Louis Vogel, président de Paris-II, le soutien reste "une de nos lacunes". "Il faut être honnête, si les choses ne bougent pas depuis des années, c'est aussi parce que les filières de droit avec leurs amphithéâtres bondés ne cherchent pas le client", poursuit l'universitaire.


Catherine Rollot


N'étant pas au nombre de ceux qui ont choisi la filière droit par défaut, mais bien par conviction, je ne fais pas partie des étudiants mentionnés dans cet article du Monde. Par ailleurs, je n'ai doublé aucune année, et jusqu'à maintenant, tout se passe plutôt bien. Cependant, s'il fallait ne voir que son nombril, on n'irait pas bien loin, et à travers ces lignes j'ai reconnu certains de mes amis ou connaissances d'amphi. Catherine Rollot touche du doigt quelques problèmes intéressants: celui du manque d'informations quant à la filière droit, totalement inconnue des étudiants à leur sortie de terminale (j'y connaissais réellement rien non plus, ce qui me laisse croire que j'ai eu du bol de bien tomber du premier coup), duquel découle un choix par défaut de la matière.

Si ces choses là changeaient réellement (ce ne sont pas les Journées Universitaires une fois l'an qui changeront quelque chose, aux USA les élèves ont des cours de procédure pénale au lycée!), peut être y aurait-il déjà une distribution plus intelligente des étudiants, qui n'atériraient pas en droit par hasard.
Le problème de la méthodo est soulevé lui aussi, et ce n'est pas peu dire que de dénoncer le caractère ultra-magistral des cours de droit. Peu ou prou de contacts avec les professeurs, une masse incroyable d'informations à assimiler pour des étudiants qui, à la sortie du lycée, on un niveau en argumentation et une rigueur parfois proches du néant (mais là, c'est un problème plus général). Ce n'est effectivement pas glamour, c'est carrément tue-l'amour, même pour les plus acharnés. Si le déclic n'arrive pas, le juriste en herbe pourra toujours rêver ne serait-ce que pour atteindre la licence.

Cette inaccessibilité est néanmoins de plus en plus combattue, entre autres par des séances de méthodologie réellement utiles, mais encore trop rares et pas assez médiatisées. Pourquoi ne pas les rendre obligatoires? En tous cas, c'est ce que je suggèrerai pour ma fac.

D'autres démons, que ne cite pas cet article -qui reste quand même trèèès parisien-, restent cependant à combattre: la rigidité de la fac elle-même, et le manque de moyens. Ceux-ci ont été promis il y a très peu de temps, et j'espère qu'ils arriveront. Parce que les amphis surchargés, ainsi que le manque de matériel, sont probablement à l'origine des méthodes d'élimination parfois étonnament douteuses opérées par la fac -du moins la mienne- histoire d'aérer les amphis: différences de notations et d'examens selon les amphis, absence totale d'anonymat, année universitaire désespérément courte, échéances pour le choix des matières bien trop réduites pour prendre réellement le temps de trouver sa voie, immense flou artistique dans l'orientation. 
On peut alors se demander, au vu de cette attitude parfois très arbitraire des autorités de notre faculté, si leur donner plus d'indépendance, comme le désire Valérie Pécresse, réussira vraiment à la filière.

Publié dans Droit devant!

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O
J'ai entendu ça aussi. Je ne peux pas encore te le confirmer pour l'instant, mais je devrais t'en parler dans pas longtemps... Je pense que les pertes vont commencer à être importantes après ce semestre (bloqué).
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S
T'as raison pour psycho, d'ailleurs si j'ai bien entendu ce que m'ont dit certaines personnes, les départs après la première année sont très nombreux aussi dans cette filière.
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O
T'es pas dans ce cas-là toi, si ?<br /> (sinon, la motivation négative est très existante en psycho, aussi...)
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